LITTÉRATURE INTERDITE par Daniel Milord Albertini
- 15 M$ pour 15 Ans de Mémoire d’Encrier
Salon international du livre de Montréal, je suis au cœur d’une poésie en délire. Elle se consonne en amérindien en plein cœur de Gallimard. J’ai la mine en interrogation. Ce n’est pas la prise, mais la distribution stratégique affirme le boss. Quand Rodney St-Éloi se lança il y a 15 ans, la blague des 30,000 € marqua la fin de l’an UN dû chez l’imprimeur. Le miracle semble avoir lieu, quinze ans s’estiment en pas-de-porte de 15M$. Valeur nette du livre… !
La griffe s’étoffe. Titres, anthologies symboliques pour le Griot, chose afro avisée je lis aussi la néologie. Il y va plus loin que le noyau dur, le nom de Joséphine Bacon chanté par le faux bleusde Toto Laraque, est devenu l’activité aux côtés de Natacha Kanapé Fontaine, pacte innu régulé pour romancier qui ose l’immersion. Gary Victor vide son côté bas-peu-de-chose pour l’imaginaire plus dingue, que je juge ce récit vécu par un conteur libéré qui ose dévoiler son coin fripon. Jean-Claude Charles de l’au-delà revient en Manhattan Bleus comme si c’est le nouveau joint-bijou au salon. Si vous savez l’écluse de la veuve Diop à Paris, on eut dit un ramassage du fonds de commerce de Présence Africaine exilé à Montréal, tant Diop Ki-zerbo Césaire sont en apostrophe. Le boss joue ouvertement la carte de la consolidation.
Un immortel dans’l paquet. Le monde de la déité a pris un autre sens par le siège de mèt’zo à l’académie de l’autre. Il est l’épicier littéraire depuis l’été 2018 à Montréal, mèt’zo déclame ainsi en voulant vendre ses livres comme le pain. Et pourtant, l’éditeur de Mémoire d’encrier se refuse de présenter des chiffres, car il dit que « la valeur de l’édition ce sont les gens qui la composent avec les auteurs les écrivains ». Il évite même ce : nous avons un immortel dans’l paquet. Je le dis sitôt mèt’zo car il vient du pays où l’on porte le nom de son emploi. Quand on est ‘savé’ dit-on on est mèt. On est ‘savé‘ par le nombre de Bics dans le Pocket, par la valise pleine, enfin pour le veston sombre. Il s’est renforcé d’un pari-avec-chat pour confirmer qu’il n’est d’un port du p’tit bonheur. Mémoire d’encrier renferme tout ça sur son pas-d’porte.
La compétition haïtienne. Deschamps n’existe pas, il est mi-insulaire, d’une autre facture de l’imaginaire. Rodney a fait le choix de ne répondre à ce « pitò nou lèd nou la », il nage d’un standard élevé, y a fait des études pour ça. Il n’est pas du bidon de révolutionnaires qui ouvre l’avenue pour l’édition patriotique nationaliste taillée sur le tas. FranckÉtienne apôtre de l’anti-zozobiste a dans le temps déjà misé sur lui tandis qu’il était doctorant à Québec. Il vit.
La composition. La composition est innue par l’amour naturel de l’Haïtien pour les peuples étrangers, on accueille même quand on est étranger. On est inventif non pas de la misère cubaine, mais dans la nature profonde qui fait de nous un peuple de l’imaginaire, un peuple de néologie qui ressasse en anthologie sa pédagogie. On envahit l’esprit des autres ainsi que l’on prétend un gré des lwas. Le fond de notre poésie est en réalité la conquête interdite en créole par le Code noir qui enseignait la soumission par la cruauté. On entend le bruit des armes d’une mémoire lointaine de guerrier forgé pour une guerre forcée, car on aime l’épiderme pâle. La nation innue nous enseigne timidement la patience dans ses cris sans fin brassés dans des hauts et bas successifs accompagnés de tam tam sur peaux de cuir. Le lwa ne viendra jamais ainsi, sauf dans la poésie. Rodney s’il ne l’a compris, il nourrit intuitivement le verbe haïtien qui n’écrira jamais le roman sans une citation poétique, sans un zeste de poésie.
On se croie yanvalou comme le conteur de l’écriture, Jean Euphèle Milcé. On est mieux innudans le sens profond du besoin. Ce n’est pas un hasard, car l’homme est universel même si le serpent5 guerrier Mohawk en nous est sur l’autre rive de 1804, à l’état pur en Haïti.
Je crée alors en néologisme pour Rodney : je suis yanvaluinnu sans Mémoire… !