Ben Salama interviewé par Marit Fosse

Questions Marit Fosse – B. Ben Salama

Q : Vous êtes un réalisateur et un journaliste célèbre. Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

B : Je suis né en Algérie, dans les montagnes de Kabylie. J’ai fait mes études en Kabylie puis à Alger jusqu’au baccalauréat. EN 1972, je suis arrivé à Paris pour préparer le concours d’une grande école de cinéma, l’IDHEC (aujourd’hui la FEMIS) ; l’année suivante j’ai été admis à cette grande de cinéma.

À la sortie de cette école, j’ai eu énormément de difficultés à travailler dans le milieu du cinéma. L’écriture m’a amené plus facilement vers une activité de journaliste, ainsi j’ai pu faire une carrière dans ce métier durant plusieurs années. Au sein de France Télévisions par exemple, j’ai pu occuper plusieurs postes dont celui de Rédacteur en chef des journaux télévisés.

Q : Pour beaucoup de jeunes d’origine magrébine en France vous représentez un modelé à suivre. Que pensez-vous de cela ?

B : Je ne sais pas si je suis un modèle. Ce qui est sûr, c’est que l’accès aux médias est plus facile pour des jeunes d’origine magrébine ou africaine qu’à mon époque. Je pense que ma génération a ouvert la voie, en forçant un peu les portes.

Q : Combien de films avez-vous faits jusqu’à ce jour ?

B : Je n’ai pas fait beaucoup de films, car j’ai surtout gagné ma vie avec mes activités de journaliste. Il n’y a que depuis une dizaine d’années que je suis revenu à mes premières amours en me lançant dans la réalisation de films documentaires. J’ai réalisé une quinzaine de films qui portent tous sur des sujets qui me tiennent à cœur.

Q : Vous venez juste de terminer un film sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Comment est-ce que l’idée vous est parvenue, et quel message cherchez-vous à nous faire parvenir.

B : En 2013, j’avais déjà réalisé, avec Thomas Marie, un film sur la Nouvelle-Calédonie qui s’intitulait « Naissance d’une nation » sur le processus de décolonisation, initié en 1988 par Michel Rocard, alors Premier ministre de la France. Toujours avec Thomas, nous avions envie de retourner dans ce pays, et nous avions décidé de le raconter uniquement à travers la parole de jeunes Kanaks d’une tribu, source de violences comme il en existe dans plusieurs banlieues dans le monde.

Je dois ajouter qu’en tant Algérien qui avait vécu la guerre d’Algérie, ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie m’intéresse au plus haut point.

Q : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans la réalisation de ce documentaire ?

B : Le séjour de presque deux mois dans cette tribu de Saint-Louis qui se trouve à moins de 10 km du centre de la capitale, Nouméa. Les moments que nous avons vécu avec les jeunes de cette tribu m’ont durablement marqué. Les liens que nous avions tissés restent encore forts, plusieurs mois après le tournage. D’ailleurs, nous continuons à nous téléphoner malgré les 20 000 km qui nous séparent.

Q : La colonisation et les conséquences de celle-ci sont-elles quelque chose qui vous tient à cœur. Si oui, pourquoi ?

B : J’ai vécu la guerre d’Algérie, enfant dans les montagnes kabyles, donc je sais ce que c’est qu’une colonisation et une décolonisation qui se passe mal, c’est à dire par les armes. Ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie est différent, car grâce à Michel Rocard un processus de décolonisation par le dialogue a été mis en place. Bien sûr que les choses ne sont pas complètement réglées dans ce pays, mais la guerre a été évitée. Il reste aujourd’hui à aller au bout de ce processus, et un référendum pour l’autodétermination est prévu fin octobre de cette année.

Q : Combien de temps est-ce que vous avez mis pour terminer le film et quelle a été la plus grande difficulté ?

B : Nous avons mis dix mois, entre la préparation, le tournage et les finitions en novembre dernier. La difficulté est le tournage. Car il fallait obtenir la confiance de la tribu et des jeunes qui témoignent dans le film. Ce n’est pas facile pour eux de livrer à une caméra, leur vie, leur sentiment et leurs aspirations.

Q : Finalement Mr Ben Salama, Diva est une revue dont le lectorat est surtout des diplomates. Est-ce que vous avez un message à leur faire parvenir ?

B : Je n’ai pas de message particulier, et j’avoue que je ne connais pas bien le travail des diplomates. Mais peut-être partageons-nous cette démarche d’humilité et d’ouverture que nous devons avoir face à toute nouvelle réalité qui se présente à nous.

Coopération et collaboration spéciale. Interview réalisée par Marit Fosse, journaliste-écrivaine


Auteur et Réalisateur ; Membre de la SCAM ; Auteur-Réalisateur 

  • Saint-Louis, une histoire calédonienne (en collaboration avec Thomas Maris), documentaire de 52’ produit par A Contrario Productions pour France Ô, LCP-AN et Nouvelle-Calédonie 1ère(2017)
  • Nasser, du rêve au désastre, documentaire de 53’ produit par Kuiv Productions pour France 5 (2016)
  • Alger, La Mecque des Révolutions, documentaire de 57 ‘ produit par Electron Libre pour Arte (2015)
  • 1954, la fin d’un monde (en collaboration avec Benjamin Stora), documentaire de 52’ produit par Kuiv Productions pour France 5
  • Naissance d’une nation (en collaboration avec Thomas Marie), documentaire de 52’ produit par Un Monde Meilleur pour France Ô et Public Sénat (2013)
  • Une Histoire algérienne, documentaire de 52’ produit par Electron Libre pour France 5 (2012)
  • De Gaulle et l’Afrique, les Chemins de la Liberté, documentaire en deux épisodes de 52 ‘  produit par l’INA pour une chaîne de France Télévisions (France Ô) et une chaîne du groupe TF1 (Histoire), (2010)
  • Au Nom de l’Islam, documentaire en deux épisodes de 52’ produit par l’INA pour France 3, La Chaîne Parlementaire LCP, la TSR (Suisse), la RTBF (Belgique) et YLE TV1 (Finlande) (2009)
  • Musiques en Héritage, documentaire de 52’ produit par Marjane pour France Ô et 2M (Maroc) (2008)
  • Génération Nanterreretour sur une génération qui est née dans des bidonvilles et a grandi dans des cités de transit, 20 ans après A Cloche-pied sur les frontières (1997)
  • A cloche-pied sur les frontières, premier documentaire sur la deuxième génération issue de l’immigration (1977)
  • Canal J, Réalisateur et Scénariste de plusieurs séries documentaires

Rédacteur en chef  à France Télévisions, notamment des  émissions suivantes :

  • 2001 Etat de choc, rétrospective des événements de l’année marquée par les attentats de New York et de Washington
  • Quand je serai Président, une série de cinq émissions diffusées en prime time durant la campagne pour l’élection présidentielle de 2002
  • Vive la politique, diffusée à 20h50 entre les deux tours de l’élection présidentielle 2002
  • Algérie Solidarité, émission sur le tremblement de terre à Alger, en 2003

Bibliographie

  • Au Nom de l’Islam, enquête sur une religion instrumentalisée, Les Editions de l’Atelier, Paris, 2009
  • Les Cinémas du Maghreb (en collaboration avec Mouny Berrah), CinémAction/ Le Cerf, 1981

Formation

  • Institut Des Hautes Etudes de Défense Nationale, Paris, 2003-2004
  • Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes, Paris, 1979
  • Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques, Paris, 1973-1976

Ben Salama, cinéaste, journaliste